Peasant struggles and the Landless Workers' Movement (MST) in Brazil.
Anarchia | 17.10.2002 15:14
The authors of the following text have been active members of the landless movement of the Brazilian rural proletariat.
Struggle of an autonomous collective.
(By Maxwell Teixeira de Paula)
Short Historical Notes on the Landless Workers' Movement (MST)
The authors of the following text have been active members of the landless movement of the Brazilian rural proletariat.
The MST is born at the end of the 70, following the political work done by groups of the catholic church affiliated with the Theology of Liberation. From 1979 to 1980, the few important struggles in rural areas remain isolated: some landless workers occupy large State lands in the state of Rio Grande do Sul; hundreds of peasants are expelled from indigenous reserve of Nonoai, the movement Land and Justice starts in Parana, mobilizing the workers displaced by the building of the barrage in Itaipu. Some land occupations occurs in the states of Santa Catarina, Sao Paulo and Mato Grosso.
All these movements had a role in the process of creating MST. In july 1982 there was the first meeting of rural landless workers from south, south-est and center-west of Brazil.
In September of the same year, some representative of 16 states are present for the national meeting. In 1983, occupations are increasing and base organization are stronger. In 1984 there's the first national meeting of the MST. It is its official birth date.
During the first national Congress in 1985, catholic church loose the direction of the movement for the benefit of an alliance between Maoists and social-democracy. A hierarchic and centralized structure replaces the former "assembleiste" organization. From that date, the MST will develop itself according to these principles; claims and forms of struggles are adapted to the new political line. Today the leader of the organization is Joao Pedro Stedile (maoist). Among the others leading figurehead there is Gilmar Mauro, Jaime Amorim, José Rainba (social democrat) and Ademar Bogo (ideologue and maoist militant).
The Landless Workers' Movement (MST) in Brazil is controlled mainly by Marxists Leninists and social democrats from the old ugly refaced left. The cult of the landless movement among western left is nearly as strong as the fascination for sub-commandante Marcos and the EZLN. The text you will read is the expression of a Brazilian dissident minority inside the mainstream left criticizing its vanguardism, coming from Brazilian Nordeste.
It exposes the authoritarian policy, the capitalists and statists projects of the leaders of the Landless Workers' Movement (MST) and it shows the super-bureaucratic et elitist aspect of the organization, its economic patriotism, its patriarchal character, its productivist ideology and the consequences on the environment. To quote the authors of this text "MST: it is spectacle, reproduction of salarial exploitive relationships, production of goods, hierarchy and separation". The text emphasizes also on the capitalist aspect of the agrarian reform leaded by Brazilian State, that control through technicians and donations, the activity of the occupied lands. This State policy is done in collaboration with the labour unions and the CEO of the MST, with the result of a large demobilization of the rural proletarian uprising and transforming the occupations into rural shantytown.
After the publication of this text a meeting happened in Fortaleza in February March 2001 with a hundred of individuals and groups from the autonomous and libertarian left from North and Noderste Brazil, some are active in land and buildings occupations. The aim of the meeting was to create a network for contacts, information and political debate. The autonomous collective of Acarape Occupation just published a long dossier evaluating the result of their struggle.
You can contact the network of autonomous Brazilian groups on Internet:
ligatra@baydenet.com.br
contraacorrente@hotmail.com
The full translation in French : http://tranquillou.free.fr/mst/index.shtml
Brève note historique du Mouvement des Sans-terre
Le Mouvement des Sans-terre (MST) est née à la fin des années 70, à la suite du travail
politique réalisé par des groupes de l'église catholique se réclamant de la Théologie de la
libération. De 1979 à 1980, les quelques luttes importantes dans les campagnes restent
isolées : des travailleurs sans terre occupent des grandes propriétés dans l'État du Rio
Grande do Sul ; des centaines de paysans sont expulsés de la réserve indigène de Nonoai ; le
mouvement Terre et Justice naît au Paranà, mobilisant les travailleurs délogés par la
construction du barrage de Itaipu. Des occupations de terres ont lieu dans les États de
Santa Catarina, Sao Paulo et Mato Grosso.
Tous ces mouvements eurent sa place dans le processus de création du MST. En juillet 1982,
a lieu la première rencontre de travailleurs ruraux sans terre du Sud, Sud-est et Centre-ouest du Brésil. En Septembre de la même année, des représentants de 16 États sont présents dans lors de la rencontre nationale. En 1983, les occupations se multiplient et les organisations de base se
renforcent. En 1984, a finalement lieu la première rencontre nationale du Mouvement des
sans-terre. C'est sa date de naissance officielle.
Lors du premier Congrès national, en 1985, l'Église catholique perd la direction du mouvement au profit d'une alliance des courants maoïstes avec la social-démocratie. Une structure hiérarchique et centralisée remplace l'ancienne organisation assembléiste. À partir de cette date, le MST se développera selon ces principes d'organisation ; les revendications et formes de lutte s'adaptent à la nouvelle ligne politique. Aujourd'hui, le chef de l'organisation est Joao Pedro Stedile (maoïste). Parmi les autres figures de premier plan, on trouve Gilmar Mauro, Jaime Amorim, José Rainha
(social-démocrate) et Ademar Bogo (idéologue et militant maoïste).
Aujourd'hui, le culte du MST est en passe de remplacer la fascination pour le sous-commandant Marcos et le EZLN. Les chefs du MST, marxistes-léninistes et social-démocrate dans leur presque totalité, ont tenu le devant de la scène lors de la réunion anti-mondialisation de Porto Alegre ; leurs
thèses sont souvent reprises par ATTAC, Le Monde diplomatique, et autres publications de la vieille gauche ravalée. Le texte qu'on va lire est l'expression d'une voix à contre courant, venue du Nordeste brésilien, d'une minorité radicale à l'intérieur et à l'extérieur du MST qui s'est radicalisée jusqu'à critiquer ses conceptions avant-gardistes. Il révèle la politique autoritaire, les projets capitalistes et étatiques des dirigeants du MST, et met en évidence le caractère hyper-bureaucratique et élitiste de l'organisation, son patriotisme économique acharné, son machisme, son idéologie
productiviste et ses conséquences fâcheuses pour l'environnement. Comme le disent les rédacteurs : "Le MST, c'est du spectacle : reproduction du travail salarié, production de marchandises, hierarchies et séparations". Le texte souligne également le caractère capitaliste de la réforme agraire menée par l'État brésilien, qui contrôle, via techniciens et financements, l'activité dans les terres
occupées. Cette politique d'État est d'ailleurs menée en collaboration avec les syndicats et la
direction du MST, conduisant à la démobilisation du profond mouvement de révolte du prolétariat rural, et transformant les occupations en bidonvilles ruraux. À la suite de la publication de ce texte, une rencontre s'est réalisée à Fortaleza, fin février-début mars 2001, qui a regroupé une centaine d'individus et groupes de la gauche dite autonome et libertaire du Nord et du Nordeste, dont certains sont actifs dans les occupations de terres et de bâtiments. La rencontre avait pour but la création d'un réseau de contacts, d'information et de débat politique. Le collectif autonome de l'occupation Acarape vient également de diffuser un long dossier qui fait le bilan de leur lutte.
On peut contacter le réseau des groupes autonomes brésiliens sur Internet :
ligatra@baydenet.com.br
contraacorrente@hotmail.com
Les luttes paysannes et le Mouvement des Sans-terre au Brésil
Parcours d'un collectif autonome
(par Maxwell Teixeira de Paula)
Ce texte s'adresse 1 à tous les collectifs et individus qui se revendiquent de l'auto-organisation des exploités et opprimés. Son contenu risque de susciter des polémiques, dans la mesure où il avance des critiques radicales - parfois inattendues - sur les luttes menées dans les campagnes du Brésil.
Le but de cette réflexion est d'inciter les mouvements sociaux urbains à structurer une position critique et pratique sur la question agraire, dépassant les attitudes contemplatives. Il s'inscrit en faux contre
l'idée communément acceptée selon laquelle la seule attitude possible consiste à appuyer les organisations et les luttes qui existent aujourd'hui dans les campagnes. Il ne s'agit pas seulement de corriger des équivoques, mais de contribuer à ouvrir une perspective fondamentalement différente
de celle du réformisme mesquin qui domine. Il s'agit de mettre en avant une autre vision du monde, une autre praxis, née d'expériences certes douloureuses, frustrantes et difficiles, mais qui témoigne aussi de beaucoup de force de volonté et de résistance.
Le collectif " autonome " Quand on parle des luttes dans la campagne brésilienne, on pense immédiatement au Mouvement des Sans-terre (MST). En général, on identifie le MST à la force de gauche la plus radicale, voire la seule, dans les campagnes. Évidemment, usant de son image politique et idéologique, le MST est le premier à renforcer cette " fausse conscience ". Le but recherché est que
ses militants de base et le reste de la société, prennent pour acquis que le MST est ce qu'il y a de " meilleur dans la lutte pour la réforme agraire ". On le verra plus loin, ceci est vrai pour peu qu'on se
limite aux luttes radicalisées mais soumises à la logique de marché. Nous décrivons ici la trajectoire indépendante de notre Collectif, expérience distincte non seulement du MST, mais aussi d'autres tendances politiques qui ont réussi à s'imposer dans la campagne, dépassant le mur de la suprématie et du silence bâti par le MST. Ces forces se présentent comme des alternatives politiques au MST, que ce soit sur sa droite ou sa gauche. Les critiques que notre Collectif fait au MST et à la CUT (Centrale Unique des Travailleurs, courroie de transmission du Parti des travailleurs) ne sont pas le fruit d'une "
théorisation rationnelle ", mais d'un vécu et d'une expérience pratique [Le Collectif est composé d'individus ayant partagé une expérience de lutte commune de 14 ans. À l'origine, la plupart des membres du Collectif étaient des paysans de la région du Sertao Central, politiquement actifs dans le Parti des travailleurs (PT) et dans la Commission pastorale de la terre (CPT), liée à l'Église catholique. Leurs premières luttes furent menées sur les problèmes de sécheresse. Dans les années 1986 et 1987, ils participèrent au pillage des magasins du Gouvernement Fédéral. À l'époque, ils ne se connaissaient pas entre eux, ils vivaient dans des endroits différents, participant à des luttes isolées les unes des autres.
Ce n'est qu'en 1988 que ces militants vont se regrouper. À ce moment, certains migrent vers la ville de
Fortaleza, d'autres restent dans le Sertao. Plus tard, ils retournent à la campagne, profitant d'une initiative locale (liée à l'Église) qui incite des habitants des bidonvilles à participer à une occupation communautaire de terres, dans la région de Acarape (voir plus loin).
La plupart des membres du Collectif, tout en ayant des contacts avec le MST, étaient alors militants d'un groupe d'origine marxiste-léniniste, le Parti de la libération prolétarienne (PLP), (qui exista de 1989 à 1994).]
Contre le mot d'ordre du MST : " Occuper, résister, produire ! "
Le Collectif a accompagné de près et a contribué à la naissance (il serait plus correct de parler d'insémination artificielle) du MST dans l'État du Céara. En 1988, en Quixada, région du Sertao Central, un petit groupe de militants du MST débarque chez une compagne qui est aujourd'hui membre du Collectif et qui était à l'époque membre du PT et de la CPT (Commission pastorale de la
terre). Leur but était d'organiser une occupation de terres dans la région. Ce sera l'occupation, par 3 000 familles, de la propriété Reunidas (22 mille hectares), située à Sao Joaquim, Quixeramobim ; la première grande occupation de " masses " du MST dans le Nord-est. L'Église et les syndicats fournissent l'appui logistique à l'occupation. Le MST débarque ainsi dans le Céara en tirant profit de
l'existence d'une base paysanne déjà radicalisée par un long travail commencé à la fin des années 7O ; travail réalisé par des secteurs de L'Église des pauvres et par un syndicalisme de base combatif présent en plusieurs municipalités de la région. C'est ainsi que le MST n'a pas eu besoin de
" politiser la masse " des occupants ; il lui a suffi d'encadrer les familles pour mener l'action. Les cours de formation des militants du MST justifient cette pratique d'encadrement. D'après le MST, et au contraire du sans-terre du sud du pays - où toute occupation exige un long et intensif travail de base regroupant des travailleurs - , " nordestino " 2 , surtout celui du Sertao, est réfractaire
au baratin politique et, à cause de ses conditions d'existence, il est susceptible de passer rapidement à l'action radicale. Il suffirait ainsi de l'encadrer pendant un court espace de temps. Les assemblées dans les communautés et les périphérie des villes de l'intérieur, étant les lieux où des décisions sont prises. Mais les participants ne décident pas tout ; les questions politiques et de sécurité, selon le MST lui-même, sont du ressort de la seule direction du MST.
À partir de cette " réalité ", le MST a construit un complexe discours idéologique dont le but est, avant tout, de justifier son rôle dirigeant... Pour le MST, le " nordestino " a tendance à suivre les leaders messianiques qui promettent " le ciel sur terre ", d'où la nécessité, pour le MST, de s'assumer comme un nouveau guide, une direction indiquant le chemin lumineux à suivre. Il
appartient aux " masses " d'avoir la foi dans le MST, dans le drapeau de la réforme agraire, etc. Seule l'avant-garde du MST aurait cette capacité de prendre les décisions fondamentales, de représenter et diriger " les masses ", car elle détiendrait la science révolutionnaire et la théorie
politique. Le militant du MST doit s'habiller et se vêtir comme il faut, parler correctement, enfin, donner l'exemple, s'entraîner dans les cours de formation afin d'accomplir cet " honorable " rôle qui est le sien !
Pour le MST, tout dirigeant doit être un éducateur des " masses ". Cette " éducation ", n'a rien à voir avec formation politique, laquelle est réservée aux militants et se réduit exclusivement à l'étude et répétition du bréviaire idéologique du MST. Pour les " masses ", il suffit de créer une mystique de lutte pour la terre ; motivant le paysan à agir. En bref, pour le MST, le paysan est un individu
pratique, sans culture politique. L'" éducation des masses rurales " comprend aussi le développement de la haine de classe, l'incitant à l'élimination du latifundiaire, si toutefois
" le chemin pour le bonheur " passe par là... Pour certains, le MST (au début fortement identifié avec la Théologie de la libération) n'a fait qu'incorporer la manière dont l'Église travaille la psychologie de masses : transférant le messianisme de la religion vers l'occupation, la révolution, la soumission à la direction du MST. C'est ainsi qu'on peut comprendre pourquoi la structure
excessivement centralisée et la figure mystique de la direction ne sont pratiquement pas contestées dans ses rangs.
Revenons sur la formation politique du MST. Elle se fait à deux niveaux différents : il y a, d'un côté, une formation plus technique centrée sur la production agricole ; d'un autre côté, la formation des cadres politiques de l'organisation, par des cours, séminaires et stages sur la question de l'activisme. Il faut souligner l'existence d'une émulation fondée sur des stimulants matériels et la
promotion dans la hiérarchie de l'organisation. Cette promotion est réservée aux militants qui se font remarquer, par exemple, dans les cours d'action et de propagande, mais aussi à ceux qui font preuve de sacrifice pour la " cause ".
Dans les couches dirigeantes du MST ce centralisme idéologique est plus souple, rendant possible des débats politiques plus ouverts.
Seulement, à ce niveau, les militants sont des convaincus sans doutes, fidèles au drapeau, à l'hymne du MST, à la nouvelle " patrie des ouvriers et des paysans ". Le fait est que le MST fait peu de travail pour élever la compréhension politique (y compris de ses propres positions), des " masses ", de ceux qui se préparent à faire des occupations, de ceux qui occupent. On préfère leur inculquer une formation technique et administrative.
Le but de toute action étant toujours de montrer à la société que les campements du MST sont productifs et qu'ils peuvent créer un fort marché intérieur de produits agricoles.
[Comme le reconnaissent ses chefs, la pratique quotidienne du MST puise ses fondements dans
l'idéologie maoïste. Le recrutement du MST se fait selon des critères bien précis. Priorité est donnée
aux femmes célibataires et aux jeunes, à ceux qui se démarquent spontanément au cours des
occupations de terres. Ces travailleurs ne doivent pas être connotés à aucune force politique qui
conteste les positions du MST et ils doivent être prêts à faire de l'organisation le centre de leurs vies.
D'autres critères comptent : la capacité de sacrifice, le dévouement personnel, l'esprit de
commandement, la soumission sans doute aux chefs. Une fois cooptés, les militants sont
immédiatement dirigés vers l'école de formation de cadres, située dans le sud du Brésil, où ils subissent une véritable " révolution culturelle " : adoptant des modes vestimentaires, des façons de parler, des attitudes, des idées complètement différentes de celles qu'ils avaient auparavant. En 1990, un militant du Collectif fut membre du MST alors qu'il était aussi membre d'un parti, le Parti de la libération prolétarienne (PLP). Cette exception à la règle, s'explique probablement par le fait que le MST comptait localement sur ce parti pour assurer la sécurité des campements. Ceci étant, on lui a vite fait comprendre qu'il devrait choisir entre la ligne du PLP et celle du MST...]
La base du MST est composée des travailleurs agricoles qui luttent pour la terre, les membres des campements et les occupants. Au-dessus se trouvent les " organisateurs de masse " et les militants des divers secteurs (finances, éducation, formation, production, etc.). Plus haut encore, les instances dirigeantes : coordinatrices et exécutives qui vont de l'échelle des États à l'échelle nationale.
L'exécutif national est le " cerveau " du mouvement. Une des caractéristiques de cette structure hiérarchique est la professionnalisation ou semi-professionnalisation des cadres. Les niveaux de cette professionnalisation sont essentiellement fonction de la position que le militant occupe dans la hiérarchie. Jusqu'à très récemment, cette professionnalisation était en partie assurée matériellement
par les occupations : 15 % de la production et autres ressources devraient revenir à l'appareil du MST. La direction le justifiant argumentant que la poursuite de la réforme agraire en dépendait. La même chose pour ce qui est de la mise à disponibilité de travailleurs (surtout des jeunes) pour des nouvelles occupations. Ce moyen de financement des cadres n'est plus prioritaire : le MST
obtenant aujourd'hui des financements importants via les ONG, essentiellement européennes.
Pendant tout le temps que les membres du Collectif ont travaillé avec le MST, ils ont critiqué le mot d'ordre : "Occuper, résister, produire" ! Il est vrai que cette critique était alors très marquée par notre idéologie. Par exemple, nous disions que ce mot d'ordre se soumettait à la ligne de front populaire, laissant ainsi de côté les terres productives, toujours au mains des grands capitalistes...
Néanmoins, d'autres critiques étaient mieux fondées.
La critique au nationalisme du MST. Dans toutes les occupations, marches, campements, etc., le drapeau national brésilien et hymne national étaient honorés ; la lutte pour la réforme agraire étant présentée comme motrice d'un certain développement national. Jamais il n'y eut, dans le MST, de perspective internationaliste, toute la structure idéologique du mouvement reste prisonnière du
stalinisme et des traditions tiers-mondistes, lesquelles ont toujours conçu le pouvoir politique dans un cadre national.
La manière comme les occupations étaient organisées méritait également notre critique. Une minorité était censée diriger les " masses " ; lesquelles n'étaient même pas invitées à réfléchir aux dimensions politiques de leurs propres actions. Renforçant la division sociale du travail, les spécialistes du MST décrètent ce que les " masses " doivent faire ; ils négocient avec les institutions
gouvernementales selon un ordre du jour établi par eux-mêmes et ils ne rendent compte aux dites " masses " de ce qui fut négocié !. Le rôle des " dirigés " est réduit à la lutte et à l'activité administrative (tâches domestiques) des campements, assurant par là la logistique de avant-garde !
[Dès le début, le MST a systématique utilisé les autres organisations politiques, réformistes ou
révolutionnaires. Ce qui a fini par provoquer leur mécontentement. Refusant les actions politiques
communes, le MST cantonnait ces forces dans un rôle d'arrière-garde et d'appui logistique. Depuis, le MST a compris que cette politique était néfaste et provoquait l'éloignement d'alliés. Il s'est rapprochée d'une politique de front populaire classique, adoucissant son sectarisme. Lors du dernier
Congrès, on adopta le mot d'ordre : " Réforme Agraire, une lutte de tous ! ". Aujourd'hui, les
soi-disant " amis de la réforme agraire " (organisations de la gauche classique, Église, CUT,
Commission Pastorale de la terre, universitaires, tous ceux que le MST considère la société civile)
furent intégrés dans quelques unes des instances de l'organisation, ainsi que dans les structures
négociatrices. Pour les membres du collectif, l'utilisation du mot " mouvement " n'a toujours été
qu'une couverture permettant de contrôler " les masses ".]
Pour mieux comprendre le sens de ces critiques à la bureaucratie du MST, il faut savoir que, lors de sa naissance, à la fin de la décennie 70/début 8O, il se revendiquait d'une pratique d'assemblées et d'actions autonomes, même s'il se trouvait alors sous la direction des curés et organisations de l'Église catholique. En 1985, l'Église perd la direction du mouvement et se cantonne dans une attitude d'appui. Commence alors une restructuration hiérarchique, conforme à l'idéologie des
forces politiques autoritaires, nationalistes et étatistes, lesquelles dominant alors les luttes populaires. Ainsi s'achevait la victoire d'un projet politique spécifique qui luttait, depuis les années 8O, .pour l'hégémonie à l'intérieur du MST. À partir de là, toutes les décisions émaneront du haut vers la base - on peut même dire que c'est à partir de ce moment que cette séparation s'affirme
politiquement - , les dirigeants locaux ne sont plus élus mais cooptés et les congrès nationaux du MST deviennent des spectacles politiques et mystiques destinés à entériner les plans et les projets des grands chefs.
Depuis, dans les campements et occupations, les militants du MST se comportent comme des " privilégiés ", par rapport à la grande " masse ". Ils ont plus de temps libre, une meilleure alimentation, etc. " Privilèges " qui sont justifiés par le fait qu'ils doivent être prêts à exercer
des activités politiques et représenter les intérêts des travailleurs qui luttent pour la terre et qui produisent.
Il est ici important de souligner qu'il a existé dans l'État du Céarà, de 1990 à 1994, un important groupe, scission du MST, le Front de libération de la terre (FLT), lequel centrait son travail dans les régions de Itapiuna et Capistrano, et avec laquelle le parti de libération prolétaire a travaillé. La séparation du MST s'était faite à partir de la critique de plusieurs aspects de son fonctionnement
politique :
1) le MST négligeait l'éducation politique des paysans avant et après les occupations ;
2) dans l'action, il avait une attitude sectaire par rapport aux autres forces politiques ;
3) il interdisait la religion dans les campements.
Ces dissidents ont tenté de se regrouper avec d'autres scissions du MST qui existaient dans
quelques 14 États du Brésil. Des problèmes internes ont finalement entraîné sa dissolution. En
1997, les membres survivants sont revenus au MST.
…
Le texte complet sur le Mouvement des Sans Terre par les compagnons et compagnes brésilienNEs à l'adresse suivante http://tranquillou.free.fr/mst/index.shtml
Anarchia
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http://tranquillou.free.fr/mst/index.shtml